Suspension ou pas suspension ? La question n’est plus théorique. Le 8 octobre 2025, sur France 2, le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu a prévenu qu’un gel de la réforme des retraites, réclamé par une partie de la gauche, aurait un coût bien réel : “Globalement (cela coûterait) pas moins de 3 milliards d’euros en fonction du périmètre de ce qui peut être suspendu”, a-t-il dit sur France 2, selon BFMTV.
De quoi parle-t-on concrètement ? De la trajectoire qui relève l’âge légal de départ, déjà en cours depuis le 1er septembre 2023. Aujourd’hui, l’âge de départ légal est fixé à 62 ans et 9 mois pour les personnes nées en 1963 et augmente de trois mois par génération pour viser 64 ans. Et là, une petite phrase change tout : selon le gouvernement, une suspension coûterait dès 2026, et davantage en 2027. Reste le périmètre exact, qui fait varier la note et les scénarios d’âge, jusqu’à 63 ans dans l’hypothèse la plus évoquée.
Le gouvernement chiffre une suspension à au moins 3 milliards d’euros en 2027
Le signal a été donné dès le matin par Roland Lescure. Le ministre démissionnaire de l’Économie a estimé que “des centaines de millions en 2026 et des milliards en 2027” seraient en jeu si l’on modifiait la réforme. En soirée, Sébastien Lecornu a posé un jalon plus précis pour 2027 avec le “pas moins de 3 milliards d’euros”. Il faut dire que l’exécutif tente de cadrer un débat qui s’emballe.
Sur le terrain politique, Élisabeth Borne a ouvert la porte à un réexamen : “Si c’est la condition de la stabilité du pays, on doit examiner les modalités et les conséquences concrètes d’une suspension”. Et Sébastien Lecornu de prévenir que “trouver un chemin pour que le débat ait lieu sur la réforme des retraites” est désormais nécessaire. “Ce débat s’invitera à l’élection présidentielle”. Et pourtant. Le Premier ministre démissionnaire assume un rappel démographique : “On ne peut pas être dans un déni démographique. (…) Mais il faut quand même être sourd pour ne pas entendre qu’il y a des Françaises et des Français qui disent ‘il y a une blessure démocratique'”.
Bloquer l’âge à 63 ans alourdirait la note à moyen terme
Qu’impliquerait un gel à 63 ans, scénario souvent cité si la trajectoire était mise sur pause ? Pour Bruno Chrétien, président de l’Institut de la protection sociale, “une suspension à 63 ans du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite coûterait 500 millions d’euros en 2026, 3 milliards d’euros en 2027 et 5,8 milliards d’euros en 2035”. Au-delà du seul système de retraites, la facture “finances publiques” atteindrait 13 milliards d’euros en 2035, en incluant les effets de recettes.
L’économiste prévient par ailleurs qu’il s’agirait “une décision totalement irresponsable”. Selon lui, “l’augmentation de l’âge légal fait essentiellement le poids des économies de la réforme”. Les gains liés au relèvement de l’âge légal pourraient d’ailleurs atteindre 10,3 milliards d’euros en 2025 et culminer à 17 milliards d’euros en 2030. Et là encore, tout dépend du périmètre retenu et du calendrier appliqué, un détail qui pèse lourd sur la facture comme sur les trajectoires de départ des générations concernées.