Le Portugal surprend l’Europe avec un excédent budgétaire et des impôts allégés en 2026

Le Portugal affiche un excédent budgétaire inédit, promettant baisses d'impôts et hausses de retraites. Mais à quel prix pour le logement et l'émigration ?
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Excédent budgétaire, dette qui recule et impôts allégés. Le Portugal bouscule les habitudes européennes, au moment où d’autres capitales serrent la vis et où les marchés scrutent chaque décimale. Et pourtant.

Début octobre, à Lisbonne, l’exécutif de centre droit reconduit en mai a présenté son projet de budget 2026. Objectif affiché : avancer avec des comptes publics dans le vert, tout en promettant des hausses de pensions et des baisses d’impôts. De quoi surprendre, et donner envie de regarder de près les chiffres et la méthode qui se cache derrière ce cap.

Le Portugal projette des excédents budgétaires en 2025 et 2026

Selon le projet de budget de l’État pour 2026, le gouvernement table sur un excédent budgétaire de 0,3 % du PIB en 2025 et de 0,1 % en 2026, après un excédent de 0,5 % en 2024. La dette publique doit poursuivre sa décrue, de 93,6 % du PIB l’an dernier à 90,2 % en 2025, puis 87,8 % l’année prochaine. Une trajectoire qui s’inscrit dans un rétablissement amorcé depuis plusieurs années, et qui nourrit une confiance visible sur les marchés.

Côté activité, la croissance est attendue à 2 % cette année, puis 2,3 % en 2026, après 2,1 % l’an dernier. Le chômage doit reculer vers 6 % l’an prochain. Signe tangible de ce redressement, le pays emprunte moins cher que la France sur 10 ans, autour de 3,09 % contre 3,5 % pour l’Hexagone. Dans le même mouvement, Lisbonne prévoit d’augmenter les retraites et d’alléger la pression fiscale, quand, ailleurs en Europe, l’ambiance est plus contrastée : l’Irlande annonce rester dans le vert en 2026 avec un surplus de 5,1 milliards d’euros, quand l’Italie vise un déficit ramené à 3 % dès 2025 et 2,8 % en 2026.

La stratégie budgétaire du Portugal combine rigueur et attractivité

Comment y est-on arrivé ? L’histoire récente compte. Après la crise financière qui a viré en crise de la dette, le déficit public a culminé à 9,1 % du PIB en 2010, entraînant un plan de sauvetage BCE et FMI et une cure d’austérité sévère : privatisations de l’“EDF portugais” et de banques publiques, hausse de la TVA et de l’impôt sur le revenu, réduction stricte du nombre de fonctionnaires. À partir de 2015, la gauche a complété le dispositif par des taxes sur certains produits et le patrimoine immobilier des plus fortunés, et par des mesures de soutien à la demande. Un détail qui change tout.

La suite s’est jouée sur l’attractivité. Pour l’institut Rexecode, le résultat tient à une stratégie “privilégiant à la fois la croissance et le redressement des comptes publics”, selon l’institut Rexecode, cité par BFM TV. La période 2017-2019 est même qualifiée de “miracle économique portugais” par la Direction du Trésor, avec l’essor du tourisme, des incitations fiscales et des investissements étrangers. Le salaire minimum reste l’un des plus bas d’Europe occidentale, à 1 015 euros en 2025, ce qui attire des entreprises en quête de coûts contenus. Les liens avec la France sont denses : en 2022, deuxième investisseur étranger avec 17 milliards d’euros, 750 filiales employant 60 000 personnes, et des retraités séduits par les incitations d’hier.

Le logement toujours tendu

Et là, le revers apparaît. L’afflux de capitaux et de visiteurs a tendu le logement : depuis 2015, les prix ont grimpé de 124 %, avec encore +16 % au premier trimestre 2025. Une hausse qui profite surtout aux 10 % de ménages détenant la moitié des actifs immobiliers, quand les jeunes peinent à se loger et continuent d’émigrer. Un tiers des personnes nées au Portugal âgées de 15 à 39 ans vit à l’étranger, un chiffre qui pèse dans le débat public et sur le marché du travail.

Le contexte politique ajoute une part d’incertitude. Malgré ses excédents, le gouvernement de Luis Montenegro ne dispose pas de majorité absolue. Les dernières élections ont vu la progression du parti Chega, devenu deuxième force au Parlement. Pour faire passer son budget, l’exécutif devra obtenir l’abstention d’un des deux grands partis, sans pouvoir dissoudre l’Assemblée d’ici la fin du mandat, en mars prochain. Une équation budgétaire et parlementaire qui pourrait encore se compliquer si la pression immobilière et l’exode des jeunes restent au premier plan.

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