En pleine négociation budgétaire, Sébastien Lecornu avance une taxe sur le patrimoine financier des plus riches. Objectif : éviter la taxe Zucman jugée trop risquée. Mais la gauche reste sceptique.
Une proposition calibrée pour éviter la fracture
À l’approche d’un vote budgétaire explosif, Sébastien Lecornu tente de jouer les équilibristes. Lors de sa rencontre avec les socialistes le 3 octobre, le Premier ministre a mis sur la table une nouvelle idée : une taxe sur le patrimoine financier, ciblant principalement les holdings. Objectif affiché : éviter le recours à la controversée taxe Zucman, tout en répondant aux critiques sur l’optimisation fiscale des plus grandes fortunes. “certaines optimisations fiscales de très grandes fortunes ne sont pas défendables”, a justifié le chef du gouvernement, selon son entourage.
La proposition a été présentée comme une mesure alternative, ne touchant pas au patrimoine professionnel, perçu comme plus sensible économiquement. “la création d’une taxe sur le patrimoine financier (holding) qui ne touche pas le patrimoine professionnel”, a précisé Matignon.
Une taxe floue mais ciblée
Les contours de cette taxe restent flous. Aucun montant n’a été annoncé, mais elle viserait les 0,1 % les plus riches, en s’attaquant aux structures d’optimisation que sont les holdings. Ces sociétés permettent de regrouper des actifs financiers dans une seule entité, souvent utilisée pour concentrer les dividendes et profiter du régime fiscal mère-fille, qui exonère à 95 % les flux remontés vers la holding.
Le dispositif permet aussi d’échapper à la flat taxe, tant que les dividendes ne sont pas redistribués. L’idée défendue par Matignon est de créer “un outil” qui incitera à distribuer des revenus dormants sur les holdings, et donc à les imposer davantage via l’impôt sur le revenu.
Mais une question majeure reste en suspens : comment distinguer clairement les biens professionnels des biens purement financiers ? L’enjeu juridique est complexe, comme l’avait déjà soulevé cet été Amélie de Montchalin. Elle évoquait alors la possibilité de cibler “la trésorerie excédentaire”, sans pénaliser l’outil de travail.
Une gauche sceptique, un flou qui persiste
Côté socialiste, la réception est glaciale. Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a fustigé un plan jugé bien trop timide. À la sortie de son entretien avec le Premier ministre, il a dénoncé “une copie très insuffisante et à bien des égards alarmante”. Le patron du PS a toutefois laissé une petite fenêtre de dialogue en accordant à Lecornu “le bénéfice des prochaines heures pour réfléchir”.
Le gouvernement espère ainsi éviter une motion de censure, en maintenant une porte ouverte avec les socialistes. Mais la stratégie de Matignon reste perçue comme minimaliste : selon Faure, la proposition “coche toutes les cases à minima”, alors qu’il réclame au contraire “des ruptures sur le fond”.
Le MoDem, partenaire de la majorité, propose pour sa part un impôt sur la fortune improductive, visant notamment les œuvres d’art stockées dans des coffres ou les comptes dormants, tout en doublant la taxe sur les dividendes. Des propositions qui pourraient rééquilibrer le débat fiscal… si elles trouvent une place dans le budget final.