Shein débarque au BHV, la menace d’un boycott plane au-dessus du magasin parisien

L’arrivée de Shein au BHV déclenche une vague de départs de marques françaises. Paiements en retard, valeurs bafouées, ambiance sous tension.
BHV Paris Shein

Sous pression financière et morale, le BHV Marais fait face à un exode inédit de marques françaises. L’arrivée de Shein, symbole d’une mode décriée, n’a fait qu’attiser une crise déjà brûlante.

Arrivée de Shein : une fuite généralisée dans les allées du BHV

Ce vendredi 3 octobre, les cartons s’entassent dans les rayons du BHV Marais, rue de Rivoli. Des enseignes historiques plient bagage, dans une atmosphère lourde de rancœurs et de factures impayées. Si l’annonce récente de l’arrivée de Shein, géant chinois de l’ultra fast-fashion, a mis le feu aux poudres, le malaise couvait depuis plusieurs mois. “On a couru après nos paiements depuis des semaines, les engagements commerciaux ne sont pas respectés”, déplore au Parisien Guillaume Gibault, patron du Slip Français, qui a quitté le magasin après dix ans de présence.

Le système du BHV, dirigé depuis 2023 par la Société des Grands Magasins (SGM), repose sur des partenariats : les marques mettent à disposition leur stock, leur personnel, et doivent ensuite percevoir les fruits de leurs ventes. Mais les ardoises s’accumulent. EMDE, spécialisée dans l’encadrement, déclare une dette de 240 000 euros. “On se demande si le buzz créé par l’annonce de Shein n’est pas destiné à cacher les impayés”, soupire son dirigeant.

Des valeurs écornées, une rupture consommée

Le ressentiment ne s’arrête pas aux comptes bancaires. Il touche aussi les convictions. L’annonce du partenariat avec Shein a profondément choqué une grande partie des marques françaises présentes. “On est face à un cow-boy qui encaisse et ne reverse rien”, dénonce la responsable d’une enseigne de prêt-à-porter masculin, elle aussi en partance, après des mois de relances infructueuses.

Guillaume Alcan, cofondateur d’Odaje, évoque plus de six mois d’arriérés : “Nous avons plus de 100 000 euros d’impayés, c’est trop pour nous”. Mais son départ s’explique aussi par principe : “Ce non-respect du droit commercial et humain, ça ne nous va pas”. Même discours du côté de Mathilde Lacombe, fondatrice de la marque AIME : “Pour moi, c’est juste incompatible […] donc ça a été une évidence”.

Dans une déclaration sans équivoque, Carine Pechavy, à la tête de Maison Pechavy, a rappelé : “Shein représente tout ce que nous combattons ! Le manque d’éthique sociale, environnementale, l’usage de la copie”. Culture Vintage a choisi un ton plus visuel, avec un message en rouge sur fond noir, relayé sur Instagram : “On s’en va !”.

Une crise qui menace l’image du grand magasin

Face à la fronde, la direction du BHV tente de rassurer. “Nous ne nions pas la situation, bien au contraire”, assure la SGM, qui promet une régularisation progressive grâce à un nouvel outil de paiement opérationnel en novembre. Mais les doutes persistent, d’autant que l’annonce du partenariat avec Shein n’a pas été anticipée par ses alliés financiers.

La Caisse des Dépôts, soutien à l’achat des murs du BHV, affirme avoir “jamais été informée” de la venue de la marque chinoise. Elle rappelle l’exigence de “soutenir une économie responsable et de proximité”. Un message répercuté par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui a salué “les réactions courageuses et les désaccords profonds exprimés en réponse aux annonces de Shein envoient un signal fort”.

Tandis que les rayons se vident et que les tribunaux sont saisis, une question résonne dans les allées désertées du BHV Marais : jusqu’où peut aller un modèle économique qui se coupe de ses partenaires, de ses clients… et de ses valeurs ?

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