Cela ressemble à une mauvaise série politique américaine : des fonctionnaires priés de rester chez eux, des aides sociales gelées, des parcs fermés, des contrôleurs aériens injoignables… Ce mercredi 1er octobre, les États-Unis sont plongés dans un “shutdown”, faute d’accord budgétaire entre les républicains et les démocrates. À quelques milliers de kilomètres, l’ombre de cette paralysie institutionnelle plane désormais sur l’Assemblée nationale française.
Comme aux États-Unis, le gouvernement ne dispose pas d’une majorité solide. Sébastien Lecornu, Premier ministre depuis le départ de Michel Barnier, sait qu’il devra composer avec les oppositions pour faire passer le budget 2026. Mais un “shutdown” tel que celui qui secoue actuellement Washington reste, en France, un scénario quasi impossible.
En France, un rejet du budget n’entraîne pas l’arrêt de l’État
L’an dernier déjà, les débats budgétaires s’étaient enlisés après le rejet du volet “recettes” par l’Assemblée. Michel Barnier avait alors utilisé l’article 49.3 pour faire passer le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, provoquant dans la foulée le vote d’une motion de censure et la démission de son gouvernement.
Début décembre 2024, la France se retrouve donc sans budget voté pour 2025, mais pas à l’arrêt. Car dans ce cas précis, le gouvernement peut déposer une loi spéciale, comme le permet la Constitution. Même censuré, l’exécutif conserve ce levier jusqu’au 19 décembre. Une fois adoptée, cette loi permet à l’État de continuer à fonctionner : perception des impôts, reconduction des crédits, et financement des services publics sur la base de l’année précédente.
Cette mesure constitue une “solution temporaire”, mais suffisante pour éviter “le cauchemar”, selon Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes. L’unique impératif : que la loi soit promulguée avant le 31 décembre.
Des flous sur la Sécurité sociale et les cartes Vitale
Si la loi spéciale permet d’assurer la continuité des services de l’État, la situation se complique pour la Sécurité sociale. En l’absence de texte spécifique, aucun cadre clair ne s’impose. L’année précédente, l’exécutif avait donc intégré à la loi spéciale une disposition autorisant la Sécurité sociale à s’endetter jusqu’au vote du PLFSS.
Ce vide juridique avait d’ailleurs inspiré à Élisabeth Borne une mise en garde : les cartes Vitale pourraient cesser de fonctionner. Une alerte prise au sérieux, et qui trouve son origine dans un rapport sénatorial de novembre 2024 relayé par Libération, où l’on peut lire : “aucune disposition constitutionnelle ou organique ne prévoit […] ce qui se passe en cas de rejet du PLFSS par le Parlement”.
Reste à savoir si Sébastien Lecornu saura tirer les leçons du passé pour éviter que le budget 2026 ne devienne un champ de bataille parlementaire. Car si la France ne connaît pas de “shutdown”, l’instabilité politique, elle, est bel et bien au rendez-vous.