Souveraineté et ambition : comprendre les nouveaux enjeux de la santé

Le secteur de la santé est l’une des priorités du gouvernement français. Avec des dépenses qui correspondent à 11,9 % du PIB en 2022, la France cherche à devenir le leader européen en matière de recherche. Focus sur un secteur perpétuellement en mouvement.

Un article de Augustin Castel

« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », voilà comment l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la « santé » dans sa constitution de 1948. Une définition qui selon Alice Desbiolles, épidémiologiste et autrice de Réparer la santé mérite une mise à jour. « Bien que cette définition soit toujours d’actualité, elle peut être enrichie. Et y inclure une dimension environnementale, afin de refleter les défis contemporains auxquels nous sommes confrontés en matière de santé publique. »

Or aujourd’hui, de plus en plus, lorsqu’on parle de « santé », on fait écho à un secteur  qui, depuis 1948, s’est bien diversifié. Entre les entreprises, les institutions , les hôpitaux, les maisons de santé, les professions libérales, les startups, l’écosystème a explosé. Alors, comme le propose Alice Desbiolles, une nouvelle définition de la santé et du secteur pourrait être d’actualité.

Nouvelle définition de la santé

« Le secteur de la santé représente un écosystème complexe et multidisciplinaire de professionnels et d’organisations travaillant plus ou moins ensemble pour promouvoir la santé et le bien-être des individus et des communautés », voilà comment l’auteure de Réparer la santé propose de définir le secteur de la santé. Pour elle, il n’y a plus seulement les professionnels de la santé qui doivent être assimilés. Cela devrait également comprendre les travailleurs sociaux et les éducateurs spécialisés ainsi que les entreprises et organisations qui gravitent autour de ce monde.

« La technologie médicale joue un rôle crucial dans le domaine de la santé en offrant des solutions innovantes pour le diagnostic, le traitement et la gestion des maladies », partage Alice Desbiolles. En effet, de nombreuses innovations dans la santé ont pu être réalisées. C’est notamment par l’arrivée de nouveaux acteurs tels que les Medtechs, les Biotechs ou les entreprises de la e-santé. Mais alors, quelles sont les différences entre tous ces acteurs ?

Qui sont les innovateurs qui transforment le secteur de la santé ?

Les nouveaux acteurs dont parle Alice Desbiolles sont des HealthTech. Présents depuis déjà quelques années, ces acteurs ont permis des évolutions assez fortes dans le domaine de la santé. Le mot HealthTech regroupe tous les domaines dans lesquels évoluent les entreprises technologiques du secteur de la santé. C’est-à-dire les Medtech, les Biotech et les entreprises de la e-santé. Mais avant tout, redéfinissons chacune d’entre elles.

Medtech 

Selon l’OMS, une Medtech se définit comme « l’application de connaissances et de compétences organisées sous la forme d’appareils, de médicaments, de vaccins, de procédures et de systèmes développés pour résoudre un problème de santé et améliorer la qualité de vie ». Cela regroupe tout ce qui touche à l’utilisation de technologies destinées à la santé. C’est-à-dire que ce soit un site de prise de rendez-vous comme Doctolib ou la création d’un robot chirurgical comme le propose Robocath.

Biotech 

Pour ce qui est de la biotechnologie, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) la définit ainsi. « L’application de la science et de la technologie à des organismes vivants, de même qu’à leurs composantes, produits et modélisations, pour modifier des matériaux vivants ou non-vivants aux fins de la production de connaissances, de biens et de services. » En définitive, cela signifie que c’est l’utilisation de la technologie dans le travail des organismes vivants. C’est le cas de MedinCell, qui développe des injections sous-cutanée permettant l’administration de médicament sur longue durée.

E-santé 

Selon la Commission Européenne, la e-santé, quant à elle, peut être définie comme « les outils et les services qui utilisent les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour améliorer la prévention, le diagnostic, le traitement, la surveillance et la gestion de problèmes liés à la santé et gérer les modes de vie ayant une incidence sur la santé ». On parle donc ici de téléconsultation ou d’analyse de données de santé. De ce côté on peut donner l’exemple de VisioMed, spécialiste dans le développement et la commercialisation de technologie à usage médical.

Ces entreprises de plus en plus nombreuses jouent donc un rôle important pour le secteur. « Ces technologies permettent des interventions plus précises, réduisent les risques chirurgicaux et améliorent les résultats pour les patients. De plus, les outils de télémédecine et les applications de santé numérique ouvrent de nouvelles possibilités pour la prestation de soins de santé à distance et la surveillance des patients », appuie Alice Desbiolles. Pourtant elle met également en garde contre la dépendance de la technologie dans le secteur de la santé. Rappelant qu’il est essentiel que la technologie médicale soit utilisée de manière éthique. C’est notamment le cas pour l’Intelligence Artificielle (IA).

L’IA et la médecine : une alliance qui sauve des vies ?

Aujourd’hui, il y a plus de 2 660 HealthTech selon le panorama santé réalisé par le cabinet Ernst and Young (EY). Parmi ces entreprises, de nombreuses utilisent l’intelligence artificielle. Ce qui offrent des perspectives intéressantes pour l’épidémiologiste et autrice de Réparer la santé. « L’IA peut analyser de grandes quantités de données médicales et identifier des schémas ou des anomalies qui pourraient échapper à l’œil humain. Cela peut peut-être conduire à des interventions plus précoces et à de meilleurs résultats pour les patients », affirme-t-elle. Pourtant, selon Alice Desbiolles il peut y avoir de nombreux travers dans l’utilisation de la technologie.

« Il est également important de reconnaître que l’IA ne remplace pas le jugement clinique des professionnels de la santé. Mais qu’elle peut plutôt les soutenir dans leur prise de décision et améliorer la qualité des soins prodigués. Il s’agit d’un outil supplémentaire, pas d’une panacée. » Quelque chose qu’avait déjà pointé l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

En 2019 paraissait un document définissant un ensemble de pratique à suivre concernant l’utilisation de l’IA dans la santé. En 2024, l’OCDE récidive. Il publie un rapport intitulé « l’IA dans le domaine de la santé un immense potentiel, d’énormes risques ». Il y est mis en exergue qu’en 2023, 163 000 personnes seraient mortes, en Europe, suite à une erreur médicale et que dans 30 % des cas, cela est dû à une mauvaise communication. Selon l’OCDE « L’IA est le moyen idéal d’améliorer la communication en présentant à chacun une information adéquate, opportune et pertinente, éviter des erreurs et sauver des vies et améliorer les résultats sur le plan sanitaire. » Mais les abus sont à prévenir. Enfin, l’IA pourrait également permettre des perspectives considérables dans le domaine de la santé.

La santé en France : un défi central pour l’avenir du pays

« Faire de la l’Hexagone le premier pays européen en termes de souveraineté et de recherche dans le domaine de la santé », voilà ce qu’on peut lire dans Panorama sur la santé publié par la Banque Publique d’Investissement (Bpifrance) parue en mars 2023. En 2020, dans le cadre du Ségur de la santé, un plan d’investissement réparti sur 10 ans a été annoncé. Cela comprend 19 milliards d’euros dont 7,5 milliards permettant le financement de projets de transformation de l’offre de soins. De plus, 2 milliards d’euros devait être dédié au numérique. « Bpifrance, opérateur du Plan France 2030, accélère sa mobilisation en faveur de l’innovation et de la transformation du secteur de la santé en renforçant son continuum de soutien à l’industrie et à l’innovation en santé sur l’ensemble de la chaîne de valeur », partage Paul-François Fournier, Directeur exécutif Innovation chez Bpifrance.

Pour cela, la Banque Publique d’Investissement à fait de la santé une de ses ambitions stratégiques. Le soutien apporté apporté se fait notamment par la communauté de la French Care inaugurée en 2022. « L’attractivité grandit et les fonds étrangers amènent non seulement des capitaux mais également leurs compétences. Le lancement de La French Care, le collectif des acteurs de la santé, envoie un signal de reconquête de la filière avec les grandes entreprises, les PME, les startups, les pouvoirs publics », ajoute le directeur de l’innovation. Bpifrance souhaite également faire émerger des champions de demain et les faire rayonner à l’international. Cela va notamment passer par de forts investissements.

Vers un leadership français en santé

Pour Alice Desbiolles, épidémiologiste et autrice du livre Réparer la santé, la France à tout le potentiel de devenir un leader du secteur de la santé. « Le pays dispose d’infrastructures de santé de qualité, d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et d’une tradition d’excellence en recherche médicale. » Cependant, selon elle, il faut absolument investir dans une recherche pertinente pour les individus et les patients. Un point qui coïncide avec les actions de France 2030 puisqu’actuellement ce sont près de 7 milliards d’euros qui sont consacrés à la recherche en santé.

Alice Desbiolles conclut en affirmant qu’elle est « convaincue que la France peut devenir un leader mondial. Et contribuer à améliorer la santé et le bien-être des populations à l’échelle mondiale. »

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