Malgré une valorisation record et une omniprésence dans la santé numérique, Doctolib n’a jamais été rentable. L’entreprise promet d’inverser la tendance en 2025. Mais à quel prix ?

Doctolib, une croissance fulgurante sans rentabilité
Doctolib bientôt rentable ? C’est l’objectif que la licorne française s’est fixée pour 2025, après plus de dix ans d’existence et de pertes colossales. Créée en 2013, la plateforme s’est rapidement imposée comme le réflexe santé des Français, avec plus de 400 000 professionnels abonnés et des millions de rendez-vous médicaux chaque mois. Elle a transformé le quotidien des patients, notamment pendant la crise sanitaire, en s’imposant comme l’interface privilégiée de la vaccination ou des consultations à distance.
Pourtant, malgré une croissance fulgurante, l’équation économique reste incertaine. En 2024, Doctolib a généré un chiffre d’affaires compris entre 311 et 348 millions d’euros, selon les sources. Mais ses pertes demeurent abyssales : 53,8 millions d’euros selon Les Echos, 110 millions d’euros selon les chiffres exhumés par Marianne. Un décalage qui interroge sur la communication de l’entreprise et sa capacité à tenir ses promesses.
Doctolib : des investissements massifs et paris sur l’IA
Ce paradoxe s’explique par la stratégie d’« hypercroissance » assumée par Doctolib depuis ses débuts. La plateforme a misé sur l’expansion rapide et l’innovation constante pour capter le marché européen. En 2024, pas moins de 115 millions d’euros ont été investis en recherche et développement, notamment autour de l’intelligence artificielle.
Durant la pandémie, Doctolib a renforcé son rôle central dans le système de santé, tout en accélérant ses développements technologiques dans l’urgence. Son modèle économique repose principalement sur la vente de logiciels et d’abonnements aux professionnels de santé, les rendez-vous restant gratuits pour les patients. Ce modèle B2B, bien que lucratif à long terme, retarde l’atteinte de l’équilibre financier.
Selon Marianne, qui avait déjà révélé en 2024 des pertes de 168 millions d’euros tenues secrètes jusque-là, la situation reste préoccupante. Si la valorisation de Doctolib atteint 6,4 milliards d’euros, ses résultats financiers posent question : la société “se vante de l’« hypercroissance » du nombre des rendez-vous médicaux mais moins de ses résultats financiers”.
Une rentabilité en 2025 ? Mais sous tensions
La clé de la future rentabilité annoncée repose sur trois leviers : l’augmentation continue du nombre d’abonnés, la progression des revenus issus des services professionnels et une réduction des investissements, une fois les grandes briques technologiques mises en place.
Doctolib compte également sur l’IA pour automatiser certaines tâches, améliorer le parcours patient et fidéliser les praticiens. En parallèle, ses effectifs continuent d’augmenter, signe d’une entreprise toujours en phase d’expansion. Mais comme le note Marianne, les investissements sont qualifiés de “massifs”, et l’entreprise continue de perdre de l’argent.
L’État, qui avait largement soutenu la plateforme pendant la crise du Covid-19, mise désormais sur Mon Espace Santé, une alternative publique visant à reprendre la main sur la donnée de santé. Pour l’instant, Doctolib reste solidement ancré dans les usages, mais son hégémonie pourrait attiser l’appétit de concurrents, notamment sur le terrain des prix et de l’innovation.
Doctolib affirme pouvoir atteindre la rentabilité dès 2025. Cette perspective optimiste s’appuie sur une réduction progressive des dépenses, tout en capitalisant sur sa base installée. Mais la confiance des observateurs reste fragile, tant les chiffres publiés divergent selon les sources, et tant l’entreprise reste discrète sur ses résultats nets.
Si elle y parvient, Doctolib entrerait dans une nouvelle phase de maturité. Si elle échoue, sa position dominante pourrait s’effriter face à des acteurs plus transparents, plus agiles… ou soutenus politiquement.