Nokia cède son activité de câbles sous-marins ASN à l’État français

Bercy rachète 80 % de cette entreprise spécialisée dans les câbles sous-marins pour environ 100 millions d’euros.

Après plusieurs essais infructueux, Nokia vend enfin la majorité d’Alcatel Submarine Networks (ASN) à l’État français. L’Agence des participations de l’État (APE) acquiert 80 % de cette filiale experte en conception, pose, et maintenance des câbles sous-marins pour environ 100 millions d’euros, ont annoncé Bercy et Nokia jeudi matin.

En discussion depuis un an, la transaction évalue ASN à 350 millions d’euros hors dette. Nokia conservera temporairement 20 % des parts, mais le protocole d’achat permet à l’État de racheter éventuellement la totalité. Le gouvernement s’est rapidement positionné face à d’autres acheteurs potentiels. « Les alternatives ne nous convenaient pas, nous avons donc décidé d’acquérir directement », explique Bercy.

Un investissement stratégique

Bien que le montant puisse sembler modeste, l’activité d’ASN est cruciale. Environ 90 % du trafic Internet mondial transite par les câbles sous-marins. ASN, anciennement d’Alcatel, est l’une des rares entreprises européennes avec cette expertise. Elle a installé 800 000 kilomètres de câbles à travers le monde, soit 20 fois le tour de la Terre. Ses clients incluent opérateurs télécoms et GAFAM, qui financent ces infrastructures via de grands consortiums et achètent ou vendent ensuite la bande passante.

1 milliard d’euros de chiffre d’affaires

La demande pour ces infrastructures explose, stimulée par l’essor du streaming. Depuis 2019, le chiffre d’affaires d’ASN a doublé pour atteindre un peu plus d’un milliard d’euros. L’entreprise emploie environ 1 000 personnes, principalement à Calais, mais aussi au Royaume-Uni et en Norvège. « ASN est un leader mondial des câbles sous-marins avec une position unique en Europe, précise Bercy. Protéger cette activité stratégique était essentiel. Cette acquisition démontre l’engagement du gouvernement envers la souveraineté, comme on le voit pour les vaccins, les médicaments et maintenant les câbles. »

Réorientation de Nokia

Pour Nokia, cette activité était devenue moins stratégique. Une première tentative de vente à Ekinops en 2019 avait échoué. Orange s’était aussi intéressé à ASN sans finaliser l’achat. Les difficultés récentes de Nokia sur son marché principal (ventes d’équipements télécoms) ont relancé le processus. Le groupe, en pleine transition, subit la baisse des dépenses en 5G et a perdu un contrat de 14 milliards de dollars aux États-Unis au profit d’Ericsson. La 6G n’étant pas encore disponible, Nokia prévoit entre 800 millions et 1,2 milliard d’euros d’économies sur trois ans, incluant la suppression de 9 000 à 14 000 postes mondiaux. En France, 360 départs volontaires sont prévus, le sixième plan depuis 2016. Bercy assure que les 1 000 employés d’ASN conserveront leur poste. « Il n’y aura pas de rupture brutale, promet Bercy. Nous allons maintenir la direction et continuer d’investir dans l’outil industriel d’ASN. »

La vente d’ASN permettra à Nokia de se recentrer sur les Réseaux et d’augmenter ses marges. Pekka Lundmark, PDG de Nokia, y voit une « étape très positive » pour se concentrer sur la croissance et le renforcement technologique. Pour ASN, avec 160 ans d’histoire, c’est un nouveau chapitre qui commence.

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